De la part de Vilmatou
son commentaire :
Attention article dificile, plein de details.
_____________________________________________________________
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-400037,0.htmlA Angers, le procès sans précédent de la pédophilie et de l'incesteLE MONDE | 02.03.05 | 13h57 • MIS A JOUR LE 03.03.05 | 07h51
La cour d'assises du Maine-et-Loire à Angers juge, à partir du jeudi 3 mars, 66 personnes pour des viols et agressions sexuelles sur 45 enfants, dont certains étaient âgés de quelques mois à l'époque des faits. L'existence d'un réseau "familial et parafamilial" est envisagée.
Dans la famille v., il y a le grand-père, Philippe. Il a d'abord dit que son propre père lui avait fait subir des attouchements sexuels, mais a expliqué ensuite que c'était pour bénéficier des circonstances atténuantes pendant son procès. Son procès pour le viol de son fils Franck, 16 ans à l'époque, et de ses filles, dont Lydia, quand celle-ci avait entre 2 et 6 ans. Il est sorti de prison en 1998, juste à temps pour participer aux viols organisés, à son tour, par Franck sur ses petites filles de 5 et 6 ans, son garçon de 1 an et le petit de Lydia, 2 ans.
Le fils, Franck, est l'un des organisateurs du cercle de prostitution d'enfants, dont les siens : l'une de ses filles, 4 ans en 1999, a été abusée au moins quarante-cinq fois. Patricia, son épouse, tenait les comptes et participait aux agressions. Elle a elle-même été violée à 6 ans par son père, Jean-Claude M., qui a, lui aussi, agressé sa petite-fille.
Le dossier qui est examiné à partir du jeudi 3 mars par la cour d'assises du Maine-et-Loire, à Angers, est effrayant. 66 accusés, dont 27 femmes, sont jugés pendant quatre mois pour de lourds sévices sexuels sur 45 enfants, âgés de quelques mois à 12 ans, entre janvier 1999 et février 2002.
Trois couples sont au cœur du premier cercle. Ils ont prostitué leurs enfants, ceux de "leurs voisins, amis, parrains et marraines" selon l'accusation, contre quelques centaines de francs chaque semaine ou des colis alimentaires. Les "fournisseurs d'enfants", qui proposaient aux adultes comme à leurs petits de venir "jouer au docteur", ont participé aux sévices, couché avec d'autres adultes devant les enfants, toutes générations confondues, "dans un climat d'inceste général où tout le monde a perdu sa place", relève Me Alain Fouquet, l'un des avocats des victimes.
La plupart des accusés, en dehors d'une assistante sociale et d'un journaliste, étaient sous perfusion sociale, vivaient du RMI. Plusieurs d'entre eux ne savent pas lire, n'ont pu passer le permis de conduire, beaucoup étaient sous tutelle ou curatelle. "C'est le quart-monde, explique Me Monika Pasquini, l'avocate de deux des accusés. Certains sont à la limite de la débilité intellectuelle."
Ils sont nombreux à avoir été victimes d'abus sexuels dans leur enfance : Franck V., sa femme Patricia, ses sœurs Lydia, Christelle et Karine, son frère Bertrand, sa tante Nathalie, violée par son propre frère ; Magali R. ; Marie-Laure T. ; Nathalie P. ; Franck B. ; Didier R., violenté par son frère Philippe, qui dit l'avoir été, lui, par un prêtre.
Certains "clients" étaient, eux, "en costume-cravate" et n'ont pas été retrouvés. Quelques autres étaient cagoulés, trois d'entre eux ont été identifiés. Reste notamment le mystère de "l'homme au caducée", un homme âgé, "gros et suant" selon un accusé, qui portait un caducée au revers, et celui de "la femme tatouée", avec "un tatouage d'aigle" ou de vipère sur le triceps. Le dossier a été disjoint en mai 2004 et la juge d'instruction, Virginie Parent, cherche d'autres victimes, d'autres agresseurs et la trace des films et des photos que plusieurs accusés reconnaissent avoir pris.
C'est assez pour évoquer l'hypothèse d'un réseau, ce que les avocats envisagent avec prudence. "Il est certain qu'il y avait de l'argent qui circulait, indique Me Nicolas Orhan, l'avocat de deux accusés, mais quand vous voyez le niveau social des agresseurs, le bazar monstrueux qu'était l'appartement des V., où se passaient les partouzes, vous avez du mal à l'imaginer."
S'il s'agit de réseau, "c'est un réseau familial et parafamilial, indique Me Meriem Baba-Roncière, l'avocate d'une partie des victimes, sur lequel se sont greffés des personnages qui ont participé au détournement d'enfants, devenus des objets sexuels".
"MANIPULATEURS ET PERVERS"L'ombre d'Outreau rôde évidemment sur le procès d'Angers. Mais les avocats ne croient pas que les mêmes dérapages se reproduiront. Même si un tiers des accusés nient les charges, celles-ci ne reposent pas sur la seule parole des enfants. "Ce n'est pas le procès de l'instruction, qui a été très correctement menée, reconnaît Me Pascal Rouiller, l'avocat de trois des accusés, mais c'est une instruction à sens unique : il s'agissait d'identifier les agresseurs, point. Sans s'intéresser aux carences du suivi judiciaire ou des services sociaux. Sur 35 familles, toutes plus ou moins suivies, il est quand même bizarre que les travailleurs sociaux n'aient rien vu."
L'attaque "ulcère" le docteur Christian Gillet, premier vice-président du conseil général, chargé des affaires sociales : "Les travailleurs sociaux ont fait leur travail, ce ne sont pas des policiers. Ils se sont fait abuser par des adultes particulièrement manipulateurs et pervers. La justice aussi s'est fait berner."
C'est vrai : Eric J., pédophile récidiviste, était alors sous sursis avec mise à l'épreuve, tout comme Philippe R., Bernard L., ou Franck V., sous contrôle judiciaire de juillet 2001 à février 2002. Les signalements ont-ils tous été transmis et le parquet des mineurs d'Angers y a-t-il toujours donné suite ? "Le procès éclairera ce point-là", répond prudemment le docteur Gillet.
Me Alain Fouquet, l'un des avocats des enfants, a lui aussi relevé "deux ou trois éléments qui suscitent de vraies questions". "Mais c'est d'abord le procès des pédophiles, proteste Me Baba-Roncière, partie civile. Ceux qui accréditent la thèse de la responsabilité des services sociaux sont dans le déni."
Le procès devra, enfin, faire la lumière sur les débuts de l'enquête : la copieuse ordonnance de renvoi - 430 pages - est inexplicablement discrète sur la question. Officiellement, ce sont les plaintes pour viol de deux adolescentes contre Eric J. qui ont lancé la procédure, en février 2002. L'homme, déjà condamné, était surveillé de près par la police dès 2001.
Sorti de prison en 1999, il côtoie régulièrement le couple V., dont l'épouse, Patricia, se met à débiter, en garde à vue, une longue liste de couples agresseurs et d'enfants victimes. Il semble en fait que, dès janvier 2002, Marie-Laure T. était allée dénoncer son ex-compagnon, Eric J., ce qui a déclenché une cascade d'interpellations.
Restent les enfants. Placés dans des centres d'accueils, ou des familles "triées sur le volet". Seuls leurs témoignages filmés seront présentés au procès, sauf nécessité impérieuse. "On ne peut pas leur imposer l'impossible, explique Me Fouquet, mettre des mots d'enfants sur des choses qui ne sont pas des choses d'enfants. Avec des conflits de loyauté massifs envers ces parents qu'ils ont parfois envie d'embrasser, et qui sont leurs agresseurs." Les enfants sont "démolis", reconnaît-on au conseil général. L'une des fillettes a subi tant de fellations qu'il lui est aujourd'hui impossible de mettre un aliment dans sa bouche devant un adulte.
Franck Johannès
--------------------------------------------------------------------------------
66 accusés, 45 victimes, quatre mois de procès66 personnes, 39 hommes et 27 femmes, sont citées à comparaître à partir du jeudi 3 mars et pour quatre mois devant la cour d'assises de Maine-et-Loire, à Angers. Le plus âgé des accusés est né en 1932, le plus jeune en 1981. La moitié d'entre eux sont sans profession ou sans emploi.
39 accusés, dont 13 femmes, sont poursuivis pour des crimes.
Trois d'entre eux encourent la réclusion criminelle à perpétuité. Le principal accusé, un maçon de 38 ans, est notamment poursuivi pour "proxénétisme aggravé -sur 35 mineurs- en bande organisée" et en état de récidive légale, "viols sur deux mineurs de -moins de- 15 ans par personne ayant autorité" et "viols sur 11 mineurs de -moins de- 15 ans en récidive". Les deux autres, un ouvrier de 58 ans et un homme sans profession de 40 ans, sont notamment poursuivis pour des "viols sur mineurs par ascendant" en récidive et "viols sur mineurs" en récidive.
23 hommes et 13 femmes encourent vingt ans de réclusion criminelle pour "proxénétisme aggravé" ou "viols sur mineurs", y compris par ascendant ou personne ayant autorité.
27 personnes comparaissent pour des délits. 19 risquent des peines de sept à dix ans d'emprisonnement pour "agressions sexuelles sur mineurs de -moins de- 15 ans" par ascendant ou personne ayant autorité. 8 sont poursuivies pour "non-dénonciation de crimes" ou "atteintes sexuelles" et risquent trois ans de prison.
13 femmes et 27 hommes, dont un pour une autre affaire, sont détenus.
45 enfants, 19 garçons et 26 filles, ont été victimes de sévices, la plus jeune avait 6 mois, la plus âgée 12 ans au moment des faits, entre janvier 1999 et février 2002.
1 million d'euros a été nécessaire pour organiser le procès et construire une salle d'audience afin d'accueillir les accusés, leurs 51 avocats et les 9 avocats des parties civiles.
--------------------------------------------------------------------------------
La garantie de l'anonymat des mineursClaire Brisset, défenseure des enfants, a rappelé, le 16 février, que "la loi sur la presse avait été faite pour protéger les enfants", qui "ont droit au respect de leur anonymat": "C'est dans la loi, mais ça doit être aussi dans la culture, et dans la culture journalistique encore davantage." Cette ancienne journaliste a rappelé que cette règle avait été bafouée lors du procès d'Outreau, qui s'est tenu de mai à juillet 2004. La loi du 29 juillet 1881 prévoit en effet qu'"est puni de 15 000 euros d'amende le fait de diffuser, de quelque manière que ce soit, des informations relatives à l'identité ou permettant l'identification (...) d'un mineur victime d'une infraction" (art. 39 bis).
Pour le procès d'Angers, l'identification des parents agresseurs conduirait naturellement à celle de leurs enfants. La plupart des médias, dont Le Monde, ont donc décidé de mentionner seulement le prénom et l'initiale du nom des accusés et de donner des prénoms fictifs aux victimes. Les parties civiles se proposent d'ailleurs de fournir une "table d'équivalence" des prénoms des enfants, afin qu'ils soient unifiés dans les différents médias.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 03.03.05